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Modernisation du droit de la faillite

La loi du 7 août 2023 relative à la préservation des entreprises et portant modernisation du droit de la faillite (dorénavant « la Loi ») entrera en vigueur le premier novembre 2023. Il s’agit de la réforme tant attendue du droit de la faillite luxembourgeois, qui voit le jour après dix ans de procédure législative.


Cette nouvelle loi révolutionne le contexte juridique actuel en proposant un nouveau paradigme du droit de la faillite, en établissant de nouvelles cellules et en modernisant les outils dont disposent déjà les praticiens et les juridictions. La Loi vise également à accroître la compétitivité du Grand-Duché et les initiatives économiques en permettant la réinsertion professionnelle des entrepreneurs ayant connu une première faillite.


Bien que la Loi soit composée de nombreux articles et comporte de nombreux changements importants, nous nous efforçons de résumer dans les lignes qui suivent les principales nouveautés :


1) Etendue du champ d’application de la procédure de faillite


Auparavant réservée uniquement aux commerçants, l’article 71 de la Loi permettra à toute personne physique exerçant une activité professionnelle, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale à titre indépendant de demander au Tribunal d’arrondissement du lieu du siège social ou de l’établissement principal, l’ouverture d’une procédure de faillite.


En revanche, un certain nombre de personnes morales régies par des lois spécifiques demeurent exclues du champ d’application de la Loi, notamment les sociétés d’avocats.


Le susdit article prévoit encore que, en cas de doute quant à la compatibilité d’une disposition légale applicable à la liquidation de la faillite avec une obligation découlant du statut légal du débiteur titulaire d’une profession libérale réglementée, le Tribunal pourra demander l’avis de l’ordre dont dépend le failli.


Il importe encore de noter que, par dérogation à l’article 455 du Code de commerce, le Tribunal nommera au moins un curateur qui fait partie du même Ordre que le débiteur. L'Ordre concerné est informé par le Tribunal de l'ouverture et de la clôture d'une procédure de faillite à l'encontre de l'un de ses membres.


2) La détection des entreprises en difficultés


L’article 5 de la Loi prévoit que le ministre ayant l’Economie dans ses attributions et le ministre ayant les Classes moyennes dans les siennes ont pour mission, dans la limite de leurs attributions respectives, de détecter les débiteurs en difficultés financières lorsque celles-ci risquent de compromettre la continuité de l’entreprise du débiteur.


Le ministre compétent pourra inviter le débiteur concerné afin d’obtenir toute information relative à l’état de ses affaires et l’informer sur les mesures de réorganisation à sa disposition.


Les ministres auront accès aux informations conservées par le STATEC, aux jugements contradictoires prononcés contre le débiteur si celui-ci n’a pas contesté le principal réclamé, au tableau des protêts, aux notifications de licenciement pour raison économique et à la liste des débiteurs n’ayant pas versé, dans les trois mois, l’intégralité des dettes de sécurité sociale et de TVA et des retenues sur traitement et salaires qui ont fait l’objet d’une contrainte administrative décernée à leur encontre. Le débiteur pourra prendre connaissance par voie électronique des données le concernant et pourra exiger la rectification des données.


3) Mise en place d’une cellule d’évaluation des entreprises pouvant faire l’objet d’une assignation en faillite


L’article 8 de la Loi prévoit la création d’une cellule d’évaluation des entreprises en difficulté, qui sera composée de cinq fonctionnaires, chacun nommé sur proposition des différentes institutions et ministères, à savoir le Centre commun de la sécurité sociale, l’Administration des contributions directes, l’Administration de l’enregistrement et des domaines, le Ministère des Classes moyennes et le Ministère de l’Economie.


Outre les informations publiées au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg, la Cellule aura accès à toutes les informations disponibles auprès de chacune des institutions susmentionnées.

La cellule aura pour mission d’identifier des sociétés dont la pérennité est menacée. Une fois identifiée, la Cellule peut inviter l'entreprise concernée à fournir des informations sur la situation de ses activités et l'informer des mesures de réorganisation dont elle dispose.


4) Possibilité de nommer un conciliateur d’entreprise


A la demande du débiteur, le ministère compétent pourra désigner un conciliateur d’entreprise en vue de faciliter la réorganisation de tout ou partie de ses actifs ou de ses activités.

La mission du conciliateur tend à préparer et favoriser soit la conclusion et l’exécution d’un accord amiable, soit l’obtention de l’accord des créanciers sur un plan de réorganisation, soit le transfert à un ou plusieurs tiers de tout ou partie des actifs ou des activités.


5) La réorganisation par accord amiable et l’instauration de la procédure de réorganisation judiciaire


Le débiteur pourra réorganiser son entreprise soit par accord amiable, soit par voie judiciaire.


L’article 11 prévoit en effet que le débiteur peut proposer à tous ses créanciers, ou à au moins deux d’entre eux, un accord amiable en vue de la réorganisation de tout ou partie de ses actifs ou de ses activités. Il peut, à cette fin, demander la désignation d’un conciliateur d’entreprise en vue de faciliter l’exécution de cet accord. En cas d’accord amiable, le Tribunal, saisi sur requête du débiteur, peut homologuer l’accord et lui conférer un caractère exécutoire.


Le débiteur peut également entamer une procédure de réorganisation judiciaire. Celle-ci a pour but de préserver, sous le contrôle du juge, la continuité de l’entreprise et vise :

  • Soit à obtenir un sursis en vue de permettre la conclusion d’un accord amiable prévu à l’article 11 précité ;

  • Soit à obtenir l’accord des créanciers sur un plan de réorganisation ;

  • Soit à permettre un transfert par décision de justice, à un ou plusieurs tiers, de tout ou partie des actifs ou des activités du débiteur.

Il convient de préciser que la procédure judiciaire est ouverte dès mise en péril de l’entreprise et l’état de faillite ne fait pas obstacle à l’ouverture ou à la poursuite de cette procédure.


6) Délai de forclusion de six mois pour le dépôt de la déclaration de créance


Le nouvel article 466 du Code de commerce dispose que le Tribunal ordonnera aux créanciers de faire au greffe la déclaration de leurs créances dans un délai de forclusion de six mois à compter du jugement déclaratif.


Le même article permet également au Tribunal de relever le requérant de la susdite forclusion lorsqu’il justifie de circonstances morales ou matérielles, au sens de la loi modifiée du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, l’ayant empêché de présenter sa déclaration de créance en temps utile.


7) Promotion du principe de la « nouvelle chance »


Le nouvel article 536-3 du Code de commerce prévoit que le failli personne physique peut être déchargé par le tribunal du solde des créances nées antérieurement au jugement déclaratif de faillite, sans préjudice des sûretés réelles données par le failli ou un tiers. L’effacement est uniquement octroyé par le tribunal à la requête du failli, qui peut soit joindre la requête à l’aveu de faillite ou, bien, la déposer avant la clôture de la faillite. Dans l’hypothèse où la faillite est clôturée moins de six mois après son ouverture, le failli disposera d’un délai de un mois après la clôture pour déposer sa requête.


Le curateur ou le procureur d’Etat peuvent demander le refus de l’effacement ou un effacement partiel si le débiteur a commis des fautes graves et caractérisées qui ont contribué à la faillite, ou a sciemment fourni des renseignements inexacts à l’occasion de l’aveu de la faillite ou ultérieurement aux demandes adressés par le juge-commissaire ou par le curateur.


Le tribunal se prononce sur la demande d’effacement dans un délai de dix-huit mois à partir de la publication du jugement de faillite.


Ce nouvel article va de pair avec l’article 536-6 du même code, qui dispose quant à lui que, lorsqu’une personne physique insolvable a bénéficié d’un effacement de dettes en application des articles 536-3 et suivants du Code de commerce, toute déchéance du droit d’accéder à une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou de l’exercer au seul motif que l’entrepreneur est insolvable prend fin de plein droit à l’expiration du délai d’effacement de dettes.


Ces deux nouveaux articles du Code de commerce permettront donc, dans les conditions précitées, à un entrepreneur de dépasser sa première faillite, sans qu’il y ait de lourdes conséquences et de réintégrer le secteur économique. Il s'agit d'un changement de perspective, qui devrait rendre le secteur économique plus attractif.


En conclusion, le Luxembourg disposera, à partir du premier novembre de cette année, d’une législation moderne en matière de préservation des entreprises et de faillite. La Loi constituera sans aucun doute un nouvel outil précieux aussi bien pour les entreprises en difficulté, que pour les praticiens du droit de l’insolvabilité et les juridictions commerciales.


L’étude Moyse & Associates reste à votre entière disposition pour toute information complémentaire ou toute clarification dont vous pourriez avoir besoin.

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